À quelle étape de mon deuil je suis ?
Vous pensez que votre deuil périnatal dure depuis trop longtemps ? Vous souffrez peut-être d’un deuil compliqué.
C’est quoi le deuil périnatal ?
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit le deuil périnatal lorsque les parents doivent affronter le décès de leur bébé survenu entre la 22e semaine d’aménorrhée et le septième jour de sa naissance.
Cette perte peut donc avoir lieu pendant la grossesse, au moment de l’accouchement ou lors des premiers jours de la vie. Pourtant, il n’est pas possible de limiter le deuil périnatal à cette seule période.
En effet, les réalités sont plurielles. Faire face à une fausse couche précoce, à trois mois de grossesse, peut-être tout autant dévastateur que le décès d’un enfant mort-né, car l’investissement psychique de la mère a pu être important et étayé dès l’annonce de la grossesse.
La notion de deuil périnatal pourra donc s’appliquer aux parents victimes d’une grossesse n’aboutissant pas, sans distinction de terme ou de cause. Il peut s’agir :
- D’une fausse couche (précoce ou tardive) ;
- D’un avortement ;
- D’une grossesse extra-utérine ;
- D’un décès in utero, appelé également mortinaissance ;
- D’une interruption thérapeutique de grossesse, en raison d’un problème médical chez la mère ou le bébé.
La mort néonatale (à moins de 28 jours de vie), comme la mort subite du nourrisson, fait aussi partie des décès amenant les parents à vivre un deuil périnatal.
Perdre un enfant n’est pas dans l’ordre naturel des choses, c’est indicible. Il n’existe d’ailleurs pas de terme pour nommer un parent qui a perdu son enfant.
Maladroit, l’entourage peut avoir tendance à enjoindre les parents à passer à autre chose par des expressions qui nient leurs souffrances. Mais ces injonctions sont douloureuses à entendre pour ces parents qui doivent déjà accepter la perte de leur petit.
Car ce travail de deuil nécessite de réinvestir complètement le bébé pour pouvoir, ensuite, investir l’avenir. Le silence devient alors une protection pour les parents, qui sont souvent seuls dans leur tristesse.
La honte éprouvée de ne pas avoir mené la grossesse à terme, ou de se penser responsable de la mort d’un nourrisson, amène à vivre une culpabilité extrêmement intense.
Comment faire son deuil lorsque l’on a perdu un enfant ?
À la suite du décès du bébé, que ce soit pendant la grossesse, à la naissance ou dans les jours qui succèdent, un processus de deuil va commencer, pour les deux parents. Ce travail est unique et propre à chacun, il n’existe ni une seule façon ni une bonne façon de le faire. Certains vont ressentir des symptômes d'un deuil non fait alors que d'autres vont avoir l'impression d'avoir fait leur deuil. Voici quelques conseils vous accompagnant dans le processus de deuil d'un enfant :
- Créer des souvenirs avec le bébé
- Comprendre le traumatisme en jeu
- Accepter les différences dans la façon de faire le deuil
- Ne pas rester isolé
- Guérir de ses blessures narcissiques
- Laisser le temps au processus de deuil
- Ne pas précipiter une nouvelle grossesse
- Expliquer aux frères et aux sœurs
- Vivre ses émotions
- Prendre soin de soi
Traverser l’épreuve de deuil en couple peut-être une force, mais un décalage entre les parents survient dans certains cas : quand l’un verbalise, l’autre se meut dans le silence… Mais, comme dans tous les deuils, cela implique avant tout un travail personnel et intime.
Les équipes présentes en maternité et en clinique ne sont malheureusement pas toujours formées ni sensibilisées au deuil d'un nourrisson et la prise en charge des parents n’est parfois pas adaptée.
Conseil n°1 : créer des souvenirs avec le bébé
La mise en place de rituels aide les parents à cheminer dans le travail de deuil. Il s’agit ainsi de reconnaître cette situation dramatique. Généralement, c’est le personnel de la maternité qui endosse ce rôle, en expliquant les choix possibles, comme l’organisation de funérailles.
Pour entamer le travail de deuil périnatal, se fabriquer des souvenirs psychiques est important. Pour certains, dire au revoir au bébé perdu est essentiel pour faire le deuil d'un bébé et pour faire le deuil de ne pas être mère de l'enfant. D’autres ne ressentent pas ce désir. La décision est intime, et revient à chacun, ce choix doit être absolument respecté, car en obligeant les parents à voir le nourrisson décédé, un traumatisme supplémentaire viendrait alors s’ajouter à celui déjà existant. Ce traumatisme pourrait provoquer, chez les parents, un stress post-traumatique.
Il réside cependant un risque dans le fait de ne pas vouloir rencontrer l’enfant : celui de rester dans des représentations irréelles (merveilleuses, fantasmatiques, angoissantes, voire monstrueuses) et d’éprouver ensuite des difficultés à réinvestir la réalité.
Dire au revoir est aussi une façon de se préparer à la séparation physique, et psychique. Pour cela, plusieurs solutions sont possibles, il peut s’agir par exemple de :
- Tenir l’enfant, le caresser, le toucher ;
- Récupérer son bracelet de naissance ;
- Organiser les obsèques et une cérémonie ;
- Lui allumer une bougie ;
- Lui offrir des cadeaux ;
- Prendre ses empreintes de pieds ou de mains ;
- Laisser un objet comme un cliché ou une peluche pour l’accompagner ;
- Lui écrire une berceuse, un poème ou une lettre ;
- Solliciter le personnel, mais également des associations spécialisées, pour photographier l’enfant.
Ce temps après l’annonce du décès est précieux, les parents doivent pouvoir conserver leur autonomie de décision, et pour cela le corps soignant, et éventuellement les psychologues de l’équipe, peuvent les aider.
Cet appel au symbolique s’avère nécessaire pour la mère et le père, car pour perdre l’enfant et accepter cette séparation, le bébé doit d’abord exister dans leur réalité.
Mais ces rituels doivent s’individualiser, du fait que pour reconnaître quelqu’un, ici le nourrisson, cela passe par ses propres dimensions : il faut pouvoir intégrer la mort au travers de la façon dont la personne se représente la vie. C’est toute la difficulté supplémentaire pour faire face à ce traumatisme.
Bon à savoir
Déclarer un enfant né sans vie à l’état civil est possible depuis 2009, même plusieurs années après le décès. Les parents ont donc le temps de prendre cette décision.
Conseil n°2 : comprendre le traumatisme en jeu
L’annonce du décès de l’enfant provoque un état de choc, engendrant stupeur et sidération. Si la mort a eu lieu in utero, ou dans le cas d’une interruption médicale, l’accouchement se fait dans la majorité des cas par voie basse. Cette situation peut renforcer le traumatisme vécu.
Pourtant, l’accouchement faisant partie du processus lié à la maternité, cette étape est essentielle. En effet, l’enfant a été porté, physiquement et psychiquement : l’acte d’accoucher scelle le fait d’être devenue mère, malgré la perte, en plus de favoriser la reconstruction identitaire par la suite.
Souvent à la suite de l’annonce, les parents n’arrivent plus à entendre ni comprendre ce qui est dit : le choc gèle la pensée, le débordement émotionnel prend toute la place et le cerveau se coupe. Ce traumatisme est indicible, difficile à exprimer dans un premier temps. Dévastatrice, la perte de l’enfant anesthésie le psychisme parental.
Le temps passé dans cet état varie en fonction de chaque personne et des ressources internes dont elle dispose. Quand la possibilité se fera, un travail d’élaboration sera construit autour de l’évènement : y réfléchir, le penser, pour se l’approprier et en parler, permettant alors d’entrer dans un processus afin de réinvestir la vie.
Pour traverser le deuil périnatal, il faut avoir la capacité d’accepter d’aller très mal pendant une période, plus ou moins longue selon chacun, puis, petit à petit s’en remettre, sans couper le lien affectif existant avec l’enfant, mais en apprenant à vivre avec. Ce travail de deuil est différent pour chaque parent.
Conseil n°3 : accepter les différences dans la façon de faire le deuil
Des conséquences sur le couple sont probables, notamment lorsque la communication dans le couple est entravée et que la capacité à dialoguer est impactée. Les expériences sont singulières : la maman élabore sa maternité sur le vécu corporel.
Pour le père il s’agit principalement de son imaginaire et de la légitimité que lui donne sa conjointe en tant que papa du petit à venir. C’est donc souvent lors de la naissance que le papa prend conscience de la « réalité », en voyant le bébé exister.
Le couple va évidemment expérimenter des moments d’affliction et de souffrance en se soutenant et en étant soudé. Pourtant, chacun va exprimer sa peine différemment et le silence de l’un pourra être considéré comme de l’indifférence par l’autre. Dans certains couples, on n’accorde pas au deuxième parent la place dont il a besoin, engendrant une douleur supplémentaire.
Pendant le deuil, il est possible que l’un des parents n’arrive pas à en parler, pas par désintérêt, mais par peur de raviver, peur d’oser, peur de dire ce qui est indicible. Un décalage risque alors de se créer, car les besoins individuels de l’autre ne sont pas forcément compris et chaque parent essaie de progresser comme il peut.
Les mamans auront tendance à se replier sur elles pour écouter ce qui se passe dans leur corps, dans une forme d’isolement émotionnel permettant de conserver le lien avec le bébé perdu et l’énergie. Parfois, elles auront envie de parler, de s’exprimer.
Les pères ressentent alors de l’impuissance face à cette douleur et cherchent à tourner la page rapidement : ils ne veulent pas oublier, mais préfèrent avancer pour ne pas sombrer dans cette peine. Cette différence de vécu provoque dans certains cas des incompréhensions et même de la colère. Les mamans peuvent alors se sentir incomprises, rejetées et avoir l'impression d'être abandonnées par leur conjoint.
Le cheminement du deuil périnatal est intime, singulier, unique. Chacun l’expérimente et le mentalise à sa façon, selon ses besoins, son identité, son histoire. Il est cependant très important de ne pas rester seul.
Conseil n°4 : ne pas rester isolé
Si les premiers temps se font généralement dans une forme de repli sur soi, petit à petit réussir à sortir de l’isolement est indispensable. Si le décès a eu lieu in utero, c’est uniquement au contact du ventre de la mère que le contact a pu se faire : elle reste alors seule avec les sensations d’existence du petit.
C’est un deuil de solitude qui s’opère. Le risque de se sentir très isolée pour la mère est élevé, notamment si elle reste à la maison avec sa peine, et que le conjoint reprend le travail. La peur de la solitude et de devoir faire face à sa peine peut faire apparaître l'autophobie. L'envie de rester avec le conjoint est forte et laisse place, dans certains cas, à une forme de dépendance affective.
Dans un premier temps, se consacrer à des lectures sur le sujet, consulter des témoignages d’autres parents ou encore écouter certains podcasts peut apporter une forme de soutien. Après un temps, il est nécessaire pour elle de pouvoir parler du bébé perdu.
Concernant la famille et les amis, il est primordial de bien s’entourer. Même en étant bienveillants, ceux-ci peuvent faire preuve de maladresse en tâchant de réconforter : « vous êtes jeunes, vous en aurez d’autres ».
Ce type de phrase risque de faire du tort en plus de renvoyer le parent à sa solitude, à son impression d’être incompris par le reste du monde. Aucun enfant ne peut remplacer celui disparu. Essayer de ne pas en tenir rigueur revient au parent, car souvent les proches s’y prennent simplement mal : pour autant, personne n’a à donner de directives sur la façon de faire « correctement » son deuil.
Le deuil périnatal, indicible, tabou est également complexe à gérer pour l’entourage qui n’ose parfois pas s’immiscer par pudeur, de peur de déranger ou parce qu’il ne sait pas comment faire : il manque de repères.
Même si cela peut demander beaucoup d’énergie, les solliciter et faire le premier pas avec les plus silencieux s’avère salvateur. La famille, les grands-parents notamment, sont confrontés à une double peine : le chagrin de ne pas avoir connu, ou à peine, ce bébé, en plus d’être démuni face à la souffrance de leur propre enfant. Eux aussi souhaitent aider, sans forcément savoir de quelle façon.
Demander du soutien autour de soi est indispensable, pour souffler mais aussi pour trouver un praticien compétent si l’on désire être accompagné dans ce travail de deuil.
Difficile pour les autres de comprendre comment surmonter un deuil d’un être qui n’a pas, ou presque, existé : pas de souvenirs, pas de présence donc pas d’absence à se remémorer. Cela reste complexe d’intégrer comment ce deuil est possible si on ne l’a pas vécu soi-même.
Socialement, le bébé ne s’inscrit pas, ou très peu, dans la vie de l’entourage, car les proches n’ont pas eu le temps d’aller à sa rencontre. Les parents sont ainsi souvent les seuls à connaître son existence, avec le corps médical.
Bon à savoir
Comment soutenir un parent qui traverse un deuil périnatal ?
- Évitez les injonctions et les phrases toutes faites ;
- Laissez la personne endeuillée prendre ses propres décisions ;
- Ne forcez ni sa parole ni ses confidences ;
- Laissez-la vivre son deuil comme elle le souhaite ;
- Ne déniez pas ses douleurs ;
- Demandez comment l’aider ;
- Formez-vous en lisant des livres ou en parcourant des forums ;
- Soyez attentif.ve à ses signes de fatigue ;
- Proposez des services, des sorties, des activités ;
- Entendez la souffrance sans jugement ;
- Ne banalisez pas la perte de cet enfant ;
- Offrez un espace d’écoute, de soutien, de réconfort ;
Conseil n°5 : guérir de ses blessures narcissiques
Guérir d’un deuil périnatal n’est pas possible : on le surmonte, on apprend à vivre avec. Ce deuil provoque une blessure narcissique. C’est aussi une partie de soi qui meurt.
La mère est touchée au plus profond de son être, elle ressent beaucoup de culpabilité à n’avoir pas réussi à mettre au monde le bébé. Les décès inexpliqués sur le plan médical renforcent ce sentiment, les mères sont généralement très dures envers elles-mêmes.
La société et les réseaux sociaux nourrissent cette blessure, car il y a une idéalisation constante de la maternité et de la grossesse, ce qui engendre une souffrance et une honte supplémentaires.
La peine est multiple, car cette perte met fin à d’autres projets.
Plusieurs deuils sont donc à faire : le deuil de la parentalité, et parfois, d’un déménagement : d’une nouvelle vie. La disparition de l’enfant fait renoncer à tout un pan d’existence qui était attendu et favorise la survenue de cette blessure narcissique.
L’estime de soi est impactée et c’est également elle qu’il va falloir restaurer. C’est pourquoi, il est essentiel de pouvoir se réapproprier l'événement. Il est possible d’y arriver de plusieurs façons, il s’agit de trouver la bonne pour sublimer cette perte et se réapproprier le bébé sous une forme différente.
Cette créativité réparatrice est propre à chaque personne et peut se faire via la peinture par exemple, mais aussi au travers de : la pratique d’une activité sportive, l’implication dans un service bénévole, l'écriture, une reconversion professionnelle...
Libre à chaque individu de trouver de quelle façon sublimer la disparition. Cependant, pour y arriver, il faut accepter de prendre le temps de traverser les étapes du deuil.
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Conseil n°6 : laisser le temps au processus de deuil
Le travail de deuil d'un bébé se construit au travers de différentes étapes. Celles-ci ne sont pas forcément vécues dans ce même ordre par tout le monde. Elles peuvent apparaître plusieurs fois ou se réactualiser, à la suite d’une nouvelle grossesse, d’un autre deuil ou encore de la date anniversaire.
Le travail de deuil périnatal demeure différent d’un deuil classique dans son élaboration. L’enfant n’ayant pas, ou très peu, existé dans la relation, les parents doivent donc employer des capacités de symbolisation pour faire ce deuil, car une représentation psychique est nécessaire.
La durée moyenne d’un deuil est d’un an, mais persiste parfois bien plus durablement en fonction de chacun, la phase de désespoir étant celle qui s’étale le plus longuement. L’intensité est aussi en rapport avec le lien affectif qui a été créé et l’étayage psychique établi autour du bébé.
Souvent, les six mois suivant le décès sont les plus forts sur le plan émotionnel.
Le deuil périnatal nécessite tout un travail de deuil en parallèle qui peut allonger ce processus : deuil de la maternité, deuil de la parentalité, deuil de la vie fantasmée, deuil de conflits psychiques internes. C’est pourquoi entamer une nouvelle grossesse doit être soumis à réflexion.
Bon à savoir
Combien de temps dure le deuil périnatal ?
S’il est légitime pour l’entourage de se poser parfois la question de la durée du deuil périnatal, il est important de rappeler qu’il s’agit d’un processus propre à chacun et qu’il n’existe pas une durée, un temps, durant lequel le deuil doit se faire. Toutefois, s’il s’étend dans une durée supérieure à 1 an (temps moyen) et qu’il plonge la personne dans un état de dépression, une prise en charge médicale et psychologique est nécessaire afin d’aider la personne à surmonter sa perte.
Conseil n°7 : ne pas précipiter une nouvelle grossesse
Est-ce qu’envisager deuil d'un bébé et nouvelle grossesse est une bonne idée ? Parfois pour faire face au chagrin, il est possible de penser qu’un autre enfant viendra aider à surmonter la douleur. Mais un enfant n’en remplace pas un autre, et c’est seulement lorsque les parents se sentent prêts que la question pourra s’explorer.
En effet, il faut pouvoir accorder une place au bébé étoile pour offrir un espace bien à soi au bébé arc-en-ciel. Il arrive que ce travail de deuil soit relancé pendant la nouvelle grossesse et se termine avec la naissance du nouvel enfant. Celui-ci ne doit pas pour autant se substituer à l’autre ni exister dans son prolongement.
En plein deuil périnatal, l’arrivée d’un bébé arc-en-ciel peut bouleverser la famille à de nombreux égards : soleil après la pluie, bonheur et joie après un lourd tourment. Cependant, une nouvelle grossesse amène possiblement son lot d’inquiétudes et d’angoisses, avec la peur de perdre une fois de plus un enfant ou de donner naissance à un bébé mort-né.
Si le processus de deuil se poursuit pendant cette grossesse, et que revivre les sensations se révèle éprouvant, un accompagnement sera alors le bienvenu. Simplement en échanger avec la sage-femme, une association de paranges ou encore un psychologue aidera à dissiper les craintes et à bien distinguer les deux grossesses.
Le principal étant la façon dont les parents se projettent dans cette nouvelle maternité tout en différenciant bien ces deux enfants, ces deux histoires. C’est pourquoi en parler au reste de la fratrie est une étape importante.
Conseil n°8 : expliquer la situation aux frères et aux sœurs
C’est aux parents d’élaborer la place que prend le nourrisson décédé dans l’histoire familiale. Il est primordial d’en parler aux autres enfants de la fratrie avec des mots simples et de ne pas cacher la situation. Ce qui est difficile pour un enfant c’est l’incompréhension.
Aller aux obsèques, voire la sépulture est tout à fait possible, et ce qui peut paraître laborieux pour un adulte ne l’est pas forcément pour un enfant.
La mort possède une représentation différente en fonction de l’âge. Les petits pensent et imaginent beaucoup et se rendent parfois responsables de la situation. Ils peuvent s’inquiéter fortement pour l’état de santé de leur maman : leur rappeler qu’ils n'y sont pour rien afin de les rassurer est essentiel.
Ne rien cacher aux enfants, cela signifie pouvoir pleurer devant eux quand l’émotion est présente : pour les plus jeunes, la tristesse est associée aux larmes et dissimuler cet état les confondrait dans l’incompréhension.
Conseil n°9 : vivre ses émotions
Le deuil périnatal est douloureux et tout un ensemble d’émotions vient submerger les parents. Il est déterminant de les accueillir entièrement et de les accepter, peu importe leur démesure, peu importe le moment où elles apparaissent.
Les expérimenter pleinement, les vivre comme elles viennent c’est encourager les processus propres au travail de deuil sans être dans le refoulement des émotions, qui peut parfois amener au deuil compliqué, voire au deuil pathologique.
Lorsqu’un affect difficile s’empare de nous, un réflexe reste souvent de vouloir s’en protéger, en le niant, et le mettant de côté. Mais en réagissant ainsi, la personne n’écoute pas les besoins profonds exprimés au travers de cette émotion.
Malgré toute la douleur endurée, prendre le temps de se reconnecter à soi, à ce que l’on ressent, à ce que cela provoque dans le corps, est vital.
Ne pas se cacher pour pleurer, ne pas retenir ses cris de colère ni se culpabiliser de rire ou d’éprouver des instants plus doux : développer son intelligence émotionnelle s’apprend.
Pour faciliter ce travail, les états de pleine conscience comme la méditation peuvent aider à y parvenir, en se centrant notamment sur la respiration, favorisant l’apaisement.
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Conseil n°10 : prendre soin de soi
Pour surmonter la perte d’un enfant et réaliser ainsi son travail de deuil, il est important de ne pas s’oublier dans cette période difficile, même si cela paraît laborieux. Encore une fois, cela est propre à chacun, mais parfois un bon bain chaud, un thé et un livre ou un dîner au restaurant apporteront du réconfort en plus de procurer un peu de bien-être.
Manger sainement, essayer de retrouver des nuits agréables en ayant pourquoi pas recours à des compléments naturels ou des tisanes. Le corps porte l’enveloppe psychique et à ce titre il est essentiel d’en prendre soin.
Pratiquer une activité physique pour se défouler pourra être bénéfique au corps comme à la tête : boxe, yoga ou encore danse, libres aux parents endeuillés de trouver leurs affinités. Au même titre, s’épanouir dans de nouvelles passions sera salvateur et aura de plus une fonction thérapeutique chez certains, permettant de sublimer le deuil.
Sortir pour retrouver des amis, prendre le soleil en terrasse ou simplement profiter d’une marche au petit matin : ces habitudes presque banales du quotidien sont généralement difficiles à se réapproprier pour les parents, qui culpabilisent beaucoup.
Pourtant, employer son énergie psychique dans d’autres activités que le deuil est nécessaire pour avancer et se réinvestir indépendamment de celui-ci.
À quelle étape de mon deuil je suis ?
Vous pensez que votre deuil périnatal dure depuis trop longtemps ? Vous souffrez peut-être d’un deuil compliqué.
Associations, groupes de parole : quelles solutions existent pour faire son deuil périnatal ?
Les groupes de paroles peuvent être instaurés par une association ou même par l’hôpital. S’écouter les uns les autres permet d’aider à l’extériorisation, et à faire son deuil, notamment quand les parents n’ont pas le sentiment d’en vivre un, à la suite d’une interruption médicale ou volontaire, par exemple.
Pour surmonter le deuil périnatal, il faut pouvoir mettre des mots. Psychiquement, tout s’est arrêté avec la mort de cet enfant. Réussir à verbaliser, c’est s’exprimer pour penser l’évènement et panser ce qui est impensable. Il est primordial de donner de la place au deuil, d’investir la perte du bébé pour réinvestir la vie qui continue d’exister ensuite.
Entendre le partage d’une autre personne ayant traversé cette même expérience octroie au parent endeuillé le pouvoir de remobiliser des ressources qui lui étaient enlevées, parce que psychiquement gelées, sidérées par la perte.
Le processus d’élaboration du deuil peut se faire alors plus aisément, car ces groupes soutenants apportent sécurisation et rassurance, et deviennent parfois le seul lien social des parents. Pas de non-dits ici, la parole est libre et donc les parents sont moins confrontés au regard d’une société qui se veut coïte quant à ces drames.
Il existe tout un réseau en France en faveur des parents endeuillés leur permettant de se retrouver en communauté, dans le cadre de cafés-rencontres dans des groupes de parents, ou d’échanger à distance (par téléphone, ou en visioconférence).
Également, des forums en ligne offrent la possibilité de témoigner et d’obtenir des ressources et des conseils pour se reconstruire. Certaines associations proposent des soutiens juridiques et psychologiques et des accompagnements individuels.
Les groupes de parole sont nombreux et vous pouvez les trouver en fonction des conséquences psychologiques que vous traversez. Par exemple, une femme victime d'endométriose peut également être amenée à faire son deuil d'être maman : il s'agit d'une conséquence de l'endométriose.
La psychothérapie, une aide pour surmonter le décès du nourrisson
Lorsque la souffrance est trop importante, un accompagnement psychothérapeutique est alors recommandé. Il faut en effet pouvoir partager sa peine pour réussir à la dépasser ensuite. Le psychologue va guider la mise au monde psychique du bébé décédé, encourageant le processus de séparation notamment si la mort a eu lieu in utero.
Mais encore une fois, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de faire : certains parents ressentiront ce besoin très rapidement, quand pour d’autres cela prendra des mois, voire des années.
La thérapie aborde la manière dont est vécue la situation par chacun des parents et qui peut être cause d’incompréhension et de conflits dans le couple voire parfois causer une rupture amoureuse. Elle contribue à penser ensemble à cette mort qui a empoigné le pas sur la vie, tout comme à élaborer conjointement autour de questions existentielles. Une nouvelle grossesse peut d’ailleurs réactualiser le deuil et réveiller les angoisses d’un drame supplémentaire, source de souffrance.
Les thérapies narratives explorent l’histoire du patient depuis les récits qu’il produit. Sans chercher à lui faire couper le lien affectif avec cet enfant perdu, il s’agit surtout de l’aider à inscrire ce lien dans son parcours de vie. Cela peut se faire par l’analyse de son passif familial et de son identité culturelle.
Le thérapeute co-construit avec les parents un chemin pour les guider dans cette étape. Élaborer autour de la grossesse, depuis sa conception, produit généralement un travail de deuil créatif : parfois c’est l’écriture, dans d’autres cas les parents préfèrent peindre ou encore planter un arbre…
La psychothérapie existe sous plusieurs formes, en fonction de ce que recherche le parent et de l’intensité de sa souffrance. Chez certains, l’hypnose sera très efficace, alors que d’autres vont plutôt se tourner vers des thérapies utilisant l’EMDR, qui permet d’apaiser la violence des traumatismes.
Les cures analytiques participent à l’élaboration autour de la perte, tandis que les thérapies cognitives et comportementales visent à déconstruire les schémas cognitifs inappropriés pour soulager rapidement les symptômes du deuil.
C’est donc aux parents d’essayer et de trouver la pratique qui sera la plus adaptée à leurs envies et à leurs besoins.
A retenir
Les mots n’existent plus lorsque, face à la vie qui devait se présenter, c’est la mort qui survient.
Le deuil d’un nourrisson est un deuil de l’avenir, des projets, de l’histoire qui ne se fera pas. La complexité du deuil réside dans l’absence ou la quasi-absence de présence physique de ce petit disparu, laissant peu de souvenirs tangibles, rendant difficile l’assimilation réelle de cette perte.
Le deuil périnatal ne s’incarne pas dans l’oubli de ce bébé étoile, mais dans une charge émotionnelle qui s’estompera au fil du temps. Afin de lever le tabou et aider les par’anges, libérer la parole sur le sujet s’avère impératif pour ne plus renforcer leur isolement dans ce drame.