Quelle est votre orientation relationnelle ?
Vous vous interrogez sur votre façon de penser l’amour et vous vous demandez dans quelle orientation relationnelle vous vous inscrivez ?
Qu’est-ce que l’aromantisme ?
L'aromantisme est un terme utilisé pour décrire les individus qui éprouvent peu ou pas d'attirance romantique envers une personne et cela quel que soit son genre. Les aromantiques ne développent donc pas de sentiment amoureux pour une autre personne.
Afin de mieux vous aider à comprendre ce qui se cache derrière l’attirance romantique, nous avons demandé à Alain Héril de la définir :
“L’attirance romantique c’est le fait d’être attiré par une personne, de vouloir vivre avec elle des moments privilégiés, des moments de partage… C’est l’envie d’aller vers une personne et que cette personne vienne vers vous pour ensuite vivre des moments d’intimité… et dans l’intimité, il peut y avoir des relations sexuelles mais pas forcément.”
Premier élément à retenir donc, dans l’aromantisme, il n’y a pas l’envie de construire une relation privilégiée avec un partenaire.
Cela peut sembler surprenant de prime abord puisque nous sommes éduqués, et presque conditionnés, depuis le plus jeune âge à vouloir trouver l’amour et construire une vie avec l’autre.
Cependant, il est essentiel de comprendre que les personnes aromantiques sont parfaitement normales, et qu’il n’y a rien de bizarre là-dedans.
Elles peuvent ressentir des sentiments forts et connaître des formes d’attirance et d’amour différentes : relations polyamoureuses, platoniques, amicales, familiales, queerplatoniques, etc.
Certains aromantiques peuvent éprouver de l’attirance physique ou sensuelle envers d’autres individus, tandis que d’autres n’auront aucune attirance sexuelle et s’inscriront à la fois comme aromantiques et asexuels (aro-ace).
Les aromantiques peuvent également s'identifier à d'autres identités telles que l'asexualité, l'asexualité grise, la demisexualité, la pansexualité, la bisexualité, etc.
L’aromantisme fait partie des orientations sexuelles au même titre que l’asexualité et s’inscrit donc dans la grande famille des représentations LGBTQIA+. Cette orientation n’est donc pas choisie, mais s’impose à l’individu de façon naturelle.
Bon à savoir
Voici un petit lexique des différents termes couramment utilisés par la communauté asexuelle afin de vous y retrouver plus facilement.
- Aromantique : personne qui n’éprouve aucune attirance romantique.
- Alloromantique : personne qui ressent de l’attirance romantique.
- Asexuel : personne qui n’éprouve aucune attirance sexuelle.
- Aro-ace / Allo-aro : personne qui n’a pas d’attirance sexuelle et romantique.
- Réciprosexuel : désigne un individu capable de ressentir de l’attirance si quelqu’un en éprouve pour lui.
- Queerplatonique : relation entre deux personnes qui cherchent à développer un lien émotionnel fort, mais qui ne sont pas une relation romantique au sens propre du terme. Ils peuvent cohabiter, élever un enfant etc. mais ne se reconnaissent pas dans les diktats de l’amour conventionnel.
- Amatonormativité : désigne l'hypothèse répandue selon laquelle tout le monde recherche une relation exclusive, romantique et à long terme, et que cet objectif est commun à tous les individus.
Comment faire la différence entre l’amour et le désir ?
Afin de mieux comprendre l’aromantisme, il est essentiel de distinguer la différence entre l’amour et le désir, qui vont souvent de pair dans notre représentation de l’amour romantique alors que ce n’est pas la même chose :
- Différence n°1 : distinguer le sentiment amoureux et le désir
- Différence n°2 : ressentir des sensations physiques fortes
- Différence n°3 : être obnubilé par l’autre
- Différence n°4 : comprendre qu’il existe des formes d’amour multiples
Différence n°1 : distinguer le sentiment amoureux et le désir
La première différence est que l’amour et le désir sont deux états distincts.
Le désir est souvent associé à une volonté de plaisir physique ou sexuel. Les personnes qui ressentent du désir pour leur partenaire sont motivées par le désir de satisfaire leurs besoins physiques et émotionnels, ainsi que par l'envie de vivre des moments de plaisir et de satisfaction sexuelle avec leur partenaire. Le désir peut être motivé par l'attirance physique, la complicité sexuelle, la curiosité, le fantasme ou l'exploration de sa propre sexualité.
Alain Héril nous explique ainsi que :
“Le désir et l’attirance sont liés à nos pulsions, il y a une dimension très inconsciente… Nous ne sommes pas maîtres de nos désirs et de nos attirances”.
L'amour est souvent associé à un désir de connexion émotionnelle et d'intimité. Les personnes qui éprouvent de l'amour pour leur partenaire sont souvent motivées par le désir de construire une relation durable basée sur la confiance, le respect, la compréhension et le soutien mutuel. Ils cherchent à partager des expériences, des valeurs et des émotions, à travers des conversations, des activités partagées et des projets communs.
“L’amour c’est un sentiment qui se compose de plusieurs émotions différentes : l'affection, la tendresse, le respect, la confiance, l'empathie et l'engagement font partie des émotions que l’on retrouve dans l’amour.”
L’attirance romantique ne va donc pas nécessairement de pair avec l’attirance sexuelle.
On peut très bien aimer une personne et ne plus la désirer sur le plan sexuel. Tout comme à l’inverse, on peut être attiré par une personne sans pour autant être amoureux d’elle.
Alain Héril, nous rappelle que Freud faisait déjà une distinction dans la sexualité entre :
le courant tendre : le fait d’avoir une attirance pour une personne qui ne se base pas sur la sexualité.
le courant sensuel : le fait d’avoir une attirance pour quelqu’un avec un désir de sexualité.
Les deux émotions ont donc leur propre importance et peuvent jouer un rôle complémentaire dans une relation amoureuse, mais l’amour s’inscrit au-delà d’un simple désir sexuel.
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Bon à savoir
Et si je souffre de ne pas ressentir d’attirance romantique ?
S’il y a un état de souffrance par rapport au fait de ne pas parvenir à tomber amoureux, alors il peut être intéressant de vous poser certaines questions :
Est-ce que vous souffrez parce que vous avez l’impression de ne pas rentrer dans les cases que la société prévoit pour vous ou souffrez-vous du fait de ne pas vous sentir en lien privilégié avec quelqu’un ? Sentez-vous que cela vous manque dans votre vie ?
Si la souffrance ne vient pas d’une pression extérieure (attentes sociétales), il faudra peut-être aller chercher du côté d’un attachement insécure qui peut être totalement inconscient, mais qui peut être à l’origine de mécanismes de défense vis-à-vis de l’amour. En ce sens, la psychanalyse peut vous aider à mieux vous comprendre.
De même si vous avez déjà été amoureux par le passé mais que vous ne parvenez plus à l’être, il peut également être intéressant de faire une introspection. Vous pourrez alors vous demander si vous n’avez pas préféré vous protéger d’une future relation à la suite d’une rupture amoureuse difficile ou si ce n’est pas un comportement résultant d’une potentielle séquelle d’une relation toxique, par exemple.
Différence n° 2 : Ressentir des sensations physiques fortes
Une autre différence notoire est qu’une personne amoureuse est souvent prise de symptômes physiques intenses lorsqu’elle rencontre quelqu’un avec qui elle a envie d'être en relation.
Papillons dans le ventre, pupilles dilatées au contact de l’objet de son désir, mains moites, accélération du rythme cardiaque, etc. Généralement lorsque l’on tombe amoureux, notre corps s’emballe !
Ces sensations physiques sont majoritairement liées à la libération de neurotransmetteurs tels que la dopamine, l'ocytocine et la noradrénaline dans notre cerveau, qui contribuent à stimuler les sensations de plaisir, de bonheur et de connexion émotionnelle.
Lorsque nous sommes dans un état amoureux, ces hormones du bonheur peuvent également nous amener à être plus attentif à notre partenaire et à nous sentir plus motivé à vouloir construire une relation durable.
D'autre part, le désir peut également entraîner une réaction physique, mais elle est généralement moins intense que celle de l'amour. Le désir peut susciter une attirance physique, une excitation sexuelle et une curiosité charnelle, mais il n'est pas nécessairement associé à un engagement émotionnel profond ou à des sentiments amoureux.
Ainsi, dans l’aromantisme, on ne retrouve généralement pas ces symptômes physiques corporels intenses du sentiment amoureux. Toutefois, il peut y avoir de l’attirance physique et de véritables envies charnelles envers une autre personne.
Différence n° 3 : être obnubilé par l’autre
Être amoureux au sens romantique du terme, c’est être pris de fascination pour l’autre. Vous êtes ainsi généralement envahie par des pensées intrusives en lien avec l’être désiré et voulez passer tout votre temps avec cette personne.
C’est notamment ce que l’auteur Stendhal appelait la cristallisation : ce phénomène qui nous pousse à penser que l’autre est un objet de perfection et à idéaliser le début d’une relation amoureuse.
Comme l’explique Alain Héril, dans l’aromantisme, il n’y a pas cette fascination de l’autre, ni cette nécessité à s’engager dans la relation avec l'autre, et de vouloir que cette relation perdure.
Dans une relation romantique, les sentiments qu’une personne amoureuse ressent sont généralement très forts :
“Lorsque vous êtes amoureux, vous vous sentez à la fois fort et fragile. Vous avez l’impression de pouvoir soulever des montagnes, mais en même temps vous vous sentez fragile parce que vous savez que si vous perdez l’objet de votre affection, votre monde va s’écrouler.”
Toutefois, il tient à rappeler que ce n’est pas parce que les aromantiques n'expriment pas ces sensations fortes, qu’ils ne peuvent éprouver des sentiments, avoir un attachement fort ou de l’affection envers une personne dans le cadre d’une relation non romantique.
“Les aromantiques ne sont pas des personnes froides ou qui seraient dénuées de sentiments pour autant. Elles sont curieuses de l’autre, elles adorent leurs amis, mais elles ne ressentent pas le besoin d’avoir un lien d’engagement privilégié.”
Pour résumer, lorsque l’on est dans l’aromantisme, les relations non romantiques s'apparentent davantage à une forme d’amitié privilégiée dans laquelle un individu aurait une place spéciale et où la connexion émotionnelle serait très forte, mais sans l’aspect romantique de l’amour et sans nécessairement la dimension sexuelle.
Quelle est votre orientation relationnelle ?
Vous vous interrogez sur votre façon de penser l’amour et vous vous demandez dans quelle orientation relationnelle vous vous inscrivez ?
Différence n° 4 : comprendre qu’il existe des formes d’amour multiples
Il existe de nombreuses formes d’amour. L’amour peut ainsi être platonique, amical, familial, passionnel, ludique, durable, etc.
À l’époque, les Grecques recensaient plus de 8 formes d’amour différentes mais nous semblons avoir oublié que l’amour pouvait être nuancé puisque nous vivons dans une société qui met en exergue majoritairement l’amour romantique et exclusif.
Alain Héril nous rappelle également que l’amour romantique est avant tout une construction sociétale et que notre façon d’aimer découle majoritairement de la culture dans laquelle on vit :
“L’amour joue avec des données émotionnelles, relationnelles, mais aussi culturelles… on n’aime pas de la même manière en fonction de sa culture et de la période historique à laquelle on se trouve.”
Elizabeth Brake, est une philosophe américaine qui a notamment inventé le concept d’amatonormativité : cette croyance selon laquelle tout le monde aspire à vouloir un couple exclusif et romantique.
Ainsi l’hypothèse voudrait que la recherche d’une relation amoureuse exclusive et centrale soit un objectif universellement partagé et qu’elle devrait être privilégiée à d’autres types de relations.
Et si seules les relations romantiques et amoureuses ou maritales sont privilégiées, cela dévalorise nécessairement les autres formes de relations qui existent.
C’est un concept qui est très utilisé dans l’aromantisme, car de nombreux individus se sentent dénigrés et incompris de ne pas être à la recherche de relation romantique, alors que d’autres formes d’amour existent.
Bon à savoir
Comment savoir si on est aromantique ?
Voici quelques signes qui peuvent vous aider à savoir si vous êtes sujet à l’aromantisme :
- vous n’êtes jamais tombé amoureux ou n’avez jamais compris le concept de coup de coeur / crush.
- vous ne ressentez pas d’attirance romantique pour qui que ce soit.
- vous ne ressentez pas le besoin d’être en couple ou n’avez pas besoin de l’être pour vous sentir épanoui
- vous ne vous êtes jamais reconnu dans les histoires amoureuses de vos amis, de celles des films/séries que vous regardez ou des livres que vous lisez
- vous n’associez pas la sexualité au sentiment amoureux
Comment différencier l’aromantisme d’une volonté de célibat ?
L’aromantisme est souvent confondu avec la volonté de célibat alors qu’il y a une différence fondamentale.
L’aromantisme ne découle pas d’un choix. Au même titre que l’asexualité, c’est une orientation sentimentale qui s’impose à la personne et qu'elle ne peut pas modifier par sa simple volonté.
Ainsi, les personnes aromantiques n’ont pas ou ne ressentent pas le besoin d’avoir une relation intime et privilégiée avec un partenaire particulier, ni le besoin d’être en relation de couple.
Aussi, il est essentiel de comprendre qu’une personne aromantique ne souffre pas de ne pas être en relation romantique avec une autre personne. L’aromantique ne ressent pas le sentiment amoureux et ne le recherche pas. Il trouve simplement son bonheur dans d’autres formes d’amour ou de lien.
Le célibat - lorsqu’il n’est pas subi - découle généralement d’une volonté personnelle de ne pas être en relation romantique pendant un certain temps. Cela peut être pour diverses raisons (spiritualité, se recentrer sur soi, se libérer d’une dépendance affective, etc).
Le célibat dure généralement pendant une période donnée plutôt courte (quelques mois ou années) tandis que l’aromantisme s’ancre dans la durée.
Évidemment, il peut arriver qu’une personne aromantique change d’orientation amoureuse au gré d’une rencontre particulière, mais, généralement, l’aromantique n’est tout simplement pas intéressé par une relation romantique telle qu’on la définit dans notre société moderne et surtout il n’en souffre pas.
Bon à savoir
Tout comme pour l’asexualité, l’aromantisme vient redéfinir notre vision de l’amour et cela peut bouleverser, voire déranger puisque cela sort des normes communément acceptées.
Donc il ne faut pas toujours chercher à trouver une cause à l’aromantisme, surtout si la personne le vit bien. Ce n’est pas nécessairement la conséquence d’un abus sexuel ou d’un traumatisme, ni d’un potentiel trouble sexuel ou encore d’un dysfonctionnement neurologique.
Rappelez-vous qu’une personne aromantique ne souffre pas de ne pas tomber amoureuse ou de ne pas être impliquée dans une relation romantique. La souffrance principale réside dans le fait de se sentir différent des autres et de se sentir rejeté.
A retenir
L’aromantisme est une orientation sentimentale qui correspond simplement au fait de ne pas ressentir d’attirance romantique pour une personne et de vouloir chercher d’autres formes d’amour (platoniques, amicales, etc.)
Une personne peut être aromantique et éprouver de l’attirance sexuelle, mais également s’inscrire comme personne aromantique-asexuelle, auquel cas, elle n’éprouvera ni sentiments amoureux, ni attirance sexuelle.
Si vous êtes en questionnement sur votre orientation, nous ne pouvons que vous inviter à vous renseigner auprès d’autres personnes aromantiques à travers des forums sûrs tels qu’AVEN France ou de vous rendre dans des cafés aro/ace organisés par des associations dans votre ville.
Cependant, retenez bien qu’il existe autant de façons de vivre l’aromantisme que de personnes aromantiques.
Alors prenez ce qu’il y a de bon à prendre, pour vous, dans les discours que l’on vous fera sur l’aromantisme mais n’essayez pas de vous forcer à rentrer dans des cases pour vous sentir accepté par la communauté Ace si vous ne vous sentez pas en accord avec certains principes.
Sources
Christophe Dejours, “Le corps entre courant tendre et et courant sensuel”, Cairn, 2011
Stendhal, “Le livre de l’amour”, 1822
Granger, Rilee, “Amatonormativity, Aromanticism, and What Defines a Relationship”, 2020