Suis-je sujet à l'anxiété ?
Vous stressez au quotidien, jusqu’à avoir cette impression de perdre totalement le contrôle de vous-même. Et si c’était de l’anxiété aggravée ?
Définition : qu’est-ce que la dépersonnalisation et la déréalisation ?
Inscrit dans le Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux DSM-IV dans la catégorie associée aux troubles dissociatifs, le trouble de dépersonnalisation et / ou déréalisation est caractérisé par des expériences prolongées ou récurrentes de sensations de détachement de son propre corps et / ou de son environnement.
La dépersonnalisation est décrite par la sensation de ne plus être lié à son corps. Lorsqu’un individu l’expérimente, il a l’impression d’être observateur de son corps, à l’impression d’un “soi” irréel ou absent, et peut souffrir d’engourdissements physiques et d’indifférence émotionnelle. Parfois, les mouvements qu’il effectue ont l’air de se faire automatiquement, et ses pensées se construisent de manière autonome : il a l’impression d’être en mode pilote automatique.
La déréalisation, quant à elle, fait référence à la sensation d’être coupé du monde extérieur, tel qu’il est réellement. Ici, c’est la perception des objets qui entourent l’individu ou son environnement global qui paraissent irréels. L’individu ressent des sensations étranges et inconnues lorsqu’il interagit avec un objet issu de son environnement, et même la notion du temps lui paraît abstraite. Souvent, les personnes qui font face à un épisode de déréalisation le décrivent comme un moment durant lequel un voile s’est posé entre eux et la réalité.
Ces deux phénomènes peuvent être vécus de manière séparée, ou simultanée. En général, cette impression de vivre dans un rêve ne dure que quelques heures à quelques jours, mais certaines personnes rapportent se sentir bloquées dans cet état depuis plusieurs années sans vraiment pouvoir en sortir complètement.
La dépersonnalisation et / ou déréalisation est un phénomène conscient : un individu qui subit ce trouble a conscience de cet état, mais ne peut rien faire sur le moment pour s’en sortir. Et cette conscience déformée de soi ou de son environnement peut être une véritable source d’anxiété qui alimente les crises d’angoisse ! C’est pour cette raison qu’il est important de savoir reconnaître les signes de cette distorsion des perceptions et les solutions possibles afin de pouvoir s’en défaire rapidement.
Il est fréquent d’expérimenter des épisodes de dépersonnalisation lorsque l’on souffre d’autres troubles, comme pour le syndrome du voyageur (syndrome de l’Inde, syndrome de Paris, etc). Ce trouble psychique transitoire est induit par une confrontation entre la vision imaginaire et la réalité d’un lieu, qui peut mener à un choc culturel. Il se manifeste par des hallucinations, de l’anxiété, un sentiment de persécution, mais aussi par une déconnexion à soi et à son environnement.
Le saviez-vous ?
La dépersonnalisation / déréalisation est un syndrome qui touche jusqu’à 50 % de la population au cours de sa vie. Cependant, il est considéré comme un trouble pour 2 % de la population qui en souffre de manière récurrente, et qui éprouve une réelle détresse face à cette altération de son fonctionnement dans son quotidien.
Les symptômes du trouble
Le trouble de dépersonnalisation / déréalisation est complexe et reste encore aujourd’hui difficile à diagnostiquer. Ses symptômes peuvent apparaître progressivement ou soudainement, avec une intensité variable selon la condition de l’individu.
Les signes les plus fréquents de ce trouble de la conscience de soi et de son environnement sont :
Un détachement de soi
Lorsqu’un individu traverse un épisode de dépersonnalisation, il rapporte souvent n’avoir aucun contrôle sur ce qu’il dit ou fait, il est dans un état d’aliénation. Ses pensées, paroles et gestes sont effectués comme s’ils étaient réfléchis par une autre personne. Cette étrangeté est véritablement déconcertante, puisqu’il a la sensation d’être un observateur de sa propre personne à ce moment-là.
La sensation d’irréalité
L’impression de vivre dans un rêve, un film ou un jeu vidéo… C’est la perception vécue par un individu qui souffre de déréalisation. Il expérimente un véritable détachement à son environnement et a la sensation que toutes ses interactions avec le monde extérieur sont irréelles, comme si un voile était tombé entre lui et tout ce qui l’entoure.
Une désorientation cognitive
Cette altération de la perception provoque inévitablement un sentiment d’étrangeté. L’individu plonge dans un état de confusion, voire une désorientation complète : il ne sait plus comment agir, comprend qu’il n’a momentanément plus de pouvoir sur sa personne, sur ses propres pensées, et commence à perdre ses repères. Il est totalement désorienté et peut avoir l’impression de devenir fou.
Un détachement émotionnel
Les émotions sont extrêmement précieuses, puisqu’elles permettent au cerveau de décoder les besoins en lui apportant des informations sur l’état d’un individu. Pendant un épisode de dépersonnalisation, l’individu se sent totalement déconnecté de ses émotions. La joie, la tristesse, la haine et la colère, si elles ne sont pas absentes, sont des émotions vécues de manière détachée : on parle alors de vide émotionnel.
Une altération de la mémoire
Dans la dépersonnalisation, comme dans la déréalisation, la mémoire est altérée. L’individu peut avoir l’impression de revivre un moment plusieurs fois, avoir du mal à se rappeler de souvenirs (même les plus récents), éprouve des difficultés de concentration* et souffre d’une réelle distorsion temporelle : il n’arrive plus à avoir une perception du temps correcte.
Des pensées angoissantes
Des pensées angoissantes surviennent souvent lorsqu’un individu se rend compte qu’il rentre dans un état de conscience modifiée. Les sentiments d’anxiété et de panique ou d’angoisse le submergent à mesure qu’il se rend compte qu’il n’est plus maître de lui-même ni de son environnement. La peur de devenir fou alimente un cercle vicieux qui le plonge davantage dans cet état second.
Un état de sidération
La déréalisation / dépersonnalisation peut survenir en plein milieu d’une agression ou d’un choc intense. La victime qui subit des abus physiques ou émotionnels particulièrement forts (violences sexuelles, coups, etc) se retrouve incapable de réfléchir et de réaliser la situation qu’elle est en train de vivre.
Il est important de rappeler que ces critères diagnostiques doivent être persistants ou récurrents pour être qualifiés de trouble, et non causés uniquement par l’utilisation de substances psychoactives ou psychotropes.
Le saviez-vous ?
Qu’est-ce qu’un trouble dissociatif ?
Un trouble dissociatif est un trouble mental caractérisé par une perturbation et / ou discontinuité dans l’intégration normale de la conscience, la mémoire, l’identité, la perception, la représentation du corps, le contrôle moteur et le comportement.
Aujourd’hui, et selon le Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux DSM-IV, on distingue 5 troubles dissociatifs :
- L’amnésie dissociative
- La fugue dissociative
- Le trouble dissociatif de l’identité
- Le trouble de dépersonnalisation
- Le trouble dissociatif non-spécifié
Les origines du trouble
Les causes de la dépersonnalisation et de la déréalisation sont multiples. En général, c’est l’interaction de divers facteurs qui provoque cet état de conscience modifiée. Parmi ces facteurs, on retrouve fréquemment :
Les troubles anxieux : la perte de contrôle de soi est une manifestation fréquente de l’anxiété. La saturation des sens, causée par un pic de stress, altère les perceptions émotionnelles, psychologiques et sensorielles d’un individu.
La présence de traumatismes : vivre des expériences de vie difficiles ou subir des traumatismes comme des maltraitances, des abus sexuels au sein du couple, un accident grave, vivre un deuil difficile… peut déclencher un état de stress post-traumatique provoquant la dissociation. Ces traumatismes sont aussi très souvent liés à l’enfance (maltraitance infantile, harcèlement, négligence émotionnelle, victime d’un parent toxique, etc).
Le déclenchement par d’autres troubles : les personnes atteintes de TOC ou d’épilepsie, d’un trouble de l’humeur comme la dépression, ou d’autres troubles liés à l’identité tels que la bipolarité, ou le trouble dissociatif de l’identité (TDI) sont plus enclins à souffrir d’épisodes de dépersonnalisation.
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Un mode de vie / environnement propice : les facteurs environnementaux jouent un rôle important dans le développement de divers troubles. La qualité du sommeil, la pratique d’une activité physique, l’alimentation et l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle sont des indicateurs intéressants à analyser pour évaluer un mode de vie sain. Si certains de ces indicateurs sont au rouge, que le stress au travail se fait ressentir ou que les insomnies se répètent, les risques de souffrir de dépersonnalisation augmentent considérablement.
L’abus de substances psychoactives peut également entraîner des expériences de dépersonnalisation et de déréalisation. C’est un effet secondaire lié à l’ingestion de drogues psychédéliques ou à la prise de cannabis, parfois considéré comme un bad trip. Cependant, après plusieurs recherches sur le sujet, on ne peut pas encore parler de réelle cause au développement de ce trouble.
C’est le cas également pour les pistes héréditaires : les facteurs biologiques étudiés sont encore trop peu significatifs, et on ignore aujourd’hui dans quelle mesure les prédispositions génétiques entrent en jeu dans ce déséquilibre chimique du cerveau.
Le saviez-vous ?
D’après certaines interprétations, notamment celles communiquées par le psychiatre Paul Schilder, le phénomène de dépersonnalisation traduirait un mécanisme de défense psychique : l’individu se dépersonnalise pour fuir la réalité, lorsqu'elle est particulièrement stressante ou trop forte en émotions. Ces facteurs psychologiques seraient donc la source de ce schéma comportemental.
Comment soigner la dépersonnalisation et la déréalisation ?
La dépersonnalisation et la déréalisation sont des troubles qui se soignent ! Généralement, c’est par la combinaison de plusieurs méthodes de traitements que l’on arrive à mettre fin à ce véritable cauchemar. Ces solutions incluent plusieurs de ces 5 méthodes, qui sont complémentaires :
- S’informer et avoir conscience du trouble
- Adopter des techniques de gestion du stress
- S’engager dans un processus thérapeutique
- Expérimenter des thérapies alternatives
- Essayer un traitement médicamenteux
Solution n°1 : s’informer et avoir conscience du trouble
La dépersonnalisation et la déréalisation sont des troubles largement répandus, mais qui restent parfois confus aux yeux de la plupart des personnes. L’étape la plus importante pour débuter un processus de guérison reste alors de s’informer sur le trouble : en apprendre davantage sur les caractéristiques diagnostiques permet de comprendre si l’on peut s’y identifier.
La compréhension des causes, des symptômes, des tests et des options de soin possibles permettent de faire une auto-évaluation avant une première consultation médicale qui pourrait confirmer le diagnostic. L’entretien clinique et l’examen physique sont ensuite extrêmement importants pour écarter la présence d’autres troubles et envisager un processus de soin adapté.
L’objectif ici est de normaliser la situation afin de réduire l’incompréhension et la panique qui y sont liées, mais aussi de se détacher de ce sentiment de honte en comprenant que c’est une situation qui touche ponctuellement la moitié de la population.
Solution n°2 : adopter des techniques de gestion du stress
Apprendre certaines techniques psychocorporelles reste une première solution efficace pour couper court à l’angoisse que provoque la dépersonnalisation. Ces techniques sont des clés importantes : avec une totale autonomie, l’angoisse est maîtrisée et l’anxiété disparaît progressivement.
Les techniques de relaxation basées sur le contrôle de la respiration aident à calmer le pic de stress : sophrologie, cohérence cardiaque, méditation en pleine conscience… Peu importe la méthode utilisée, l’objectif reste le même : s’ancrer, reprendre conscience de son corps et de ses émotions pour se reconnecter à soi-même.
Pour maîtriser l’angoisse liée à l’appréhension de l’apparition d’un épisode de déréalisation / dépersonnalisation, la pratique d’une activité physique quotidienne est fortement conseillée. L’exercice physique, en plus de réduire les effets du stress et de l’anxiété, aide à faire le vide dans son esprit et à se décharger des idées négatives qui pourraient contribuer à une apparition de symptômes.
Généralement, les techniques de gestion du stress sont intégrées dans un processus thérapeutique et adaptées selon le cas de chaque individu afin de favoriser une réelle déconnexion mentale.
Solution n°3 : s’engager dans un processus thérapeutique
Pour comprendre les sources du trouble et apprendre à gérer les déclencheurs, la psychothérapie est essentielle. Dans le processus de traitement des troubles dissociatifs, et spécifiquement celui-ci, trois thérapies sont généralement pratiquées :
La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) : c’est une méthode de thérapie axée sur le fonctionnement du cerveau. Elle aide à identifier les schémas négatifs pour les remplacer par des schémas positifs.
La thérapie psychodynamique : cette méthode se base sur l’exploration des expériences passées d’un individu pour évaluer leurs impacts sur son fonctionnement actuel, et notamment sur l’apparition de signes liés aux troubles.
La thérapie de soutien : concentrée davantage sur le soutien émotionnel, cette méthode consiste à accompagner l’individu en lui laissant un espace privilégié pour déposer, expulser ce qui lui cause de l’anxiété. Les maîtres mots de cet accompagnement sont l’écoute, le partage et la parole.
En parallèle de ce travail thérapeutique, il peut être bénéfique de tenir un journal pour identifier les situations qui déclenchent ou accentuent les symptômes. En plus d’aider à repérer certains éléments dysfonctionnels, l’écriture va permettre de garder une trace écrite des différents ressentis, de faire face aux difficultés de mémoire caractéristiques du trouble, et sera un élément précieux pour le psychologue ou psychothérapeute qui pourra s’appuyer dessus afin de continuer à proposer un protocole adapté.
Solution n°4 : expérimenter des thérapies alternatives
Lors du traitement d’une pathologie, la thérapie peut être combinée avec d’autres méthodes thérapeutiques afin d’améliorer le processus de guérison. Elle peut être réalisée par le thérapeute lui-même s’il a les qualifications associées, ou par des spécialistes recommandés. Différentes méthodes thérapeutiques existent pour le traitement du trouble de dépersonnalisation : l’hypnose, la programmation neuro-linguistique et l’art thérapie.
L’hypnose ericksonienne est une thérapie brève, qui, par le biais d’un travail sur l’inconscient, va permettre de repérer les traumatismes profonds liés au trouble. Ensuite, un travail sur ce traumatisme pourra être fait en modifiant les perceptions ou interprétations associées, et ainsi réduire le risque de souffrir d’épisodes de dépersonnalisation.
La programmation neuro-linguistique (PNL), quant à elle, propose de nombreux outils permettant une bonne mobilisation des ressources internes pour faire face au stress. Les techniques d’ancrage et de recadrage peuvent s'avérer extrêmement utiles pour faire face aux montées d’angoisse.
Il existe également d’autres alternatives… Le dessin, la danse, le chant, il est possible de se soigner par la créativité !
Solution n°5 : essayer un traitement médicamenteux
À ce jour, il n’existe pas de traitement médicamenteux approuvé pour soigner complètement le trouble de dépersonnalisation. Cependant, certains médicaments peuvent aider à réduire les symptômes et les effets induits par ce trouble.
Les antidépresseurs sont généralement prescrits en tant que traitement pour les troubles de l’humeur. Ceux-ci vont agir sur la régulation des niveaux de neurotransmetteurs qui influent sur les fluctuations de l’humeur.
Les anxiolytiques, quant à eux, aident à réduire les symptômes physiques liés à cet état : tremblement, tétanie, palpitations, etc.
Certains antipsychotiques et antiépileptiques sont également prescrits selon les cas.
L’usage de médicaments doit être encadré par un professionnel de la santé. Tous les traitements peuvent avoir des effets secondaires potentiels, et il est important de suivre correctement le protocole prescrit pour ne pas subir d’effets indésirables.
Outre ces 5 solutions, l’entretien d’un bon équilibre de vie est important pour éviter les accès à ce phénomène. Le maintien d’un sommeil de qualité, d’une alimentation riche et variée et d’une activité sportive régulière aide à espacer les épisodes de dépersonnalisation et de déréalisation.
Bon à savoir
La stimulation magnétique soigne-t-elle les troubles dissociatifs ?
La stimulation magnétique transcrânienne (SMT) est une technique de stimulation cérébrale non invasive qui, à l’aide d’un champ magnétique, induit un courant électrique dans plusieurs zones du cerveau. Elle permettrait, lorsqu’elle est réalisée en cure, une réduction des symptômes liés à la dépersonnalisation, particulièrement pour les personnes qui ont déclenché ce trouble à la suite d’un épisode traumatique.
Les recherches sont toujours en cours concernant l’apport de la stimulation magnétique dans un processus de soin du trouble dissociatif. Aujourd’hui, il n’est pas encore possible de prouver une efficacité thérapeutique quant à la stimulation magnétique transcrânienne.
À retenir
Généralement déclenché par un pic de stress intense, la dépersonnalisation et / ou la déréalisation est un syndrome dissociatif rencontré par environ 50 % de la population au moins une fois au cours de sa vie. Il devient un trouble lorsqu’il est récurrent, permanent et handicape le quotidien : c’est le cas pour 2 % des individus.
La dépersonnalisation désigne la sensation d’être détaché de soi-même, et est à différencier de la déréalisation qui fait plutôt référence à une distanciation face à l’environnement et des sensations d’irréalité.
C’est un phénomène qui engendre de nombreuses conséquences psychiques : l’individu est effrayé par cette perte totale de contrôle, il angoisse de devenir fou, se sent parfois coupable et va avoir davantage tendance à s’isoler du monde extérieur.
Heureusement, il existe des solutions efficaces pour traiter la dépersonnalisation / déréalisation et apaiser les symptômes qu’elle génère ! La psychothérapie est généralement le traitement de première intention pour gérer ce trouble, et elle peut être combinée à des médicaments et / ou des méthodes thérapeutiques pour se libérer de cette angoisse durablement.
Sources
Étranger à soi-même, Marco Canterino, Cerveau&Psycho, 2011
Réflexions à propos de la dépersonnalisation, Nicos Nicolaïdis, Revue Française de Psychosomatique, 2005
Dépersonnalisation : le doute d’exister ? Didier Lauru, Figures de la psychanalyse, 2004