Ai-je besoin d'un psychologue ?
Vous vous demandez si votre biais cognitif est un frein au quotidien et si un psychologue pourrait vous aider à mieux le comprendre ?
Qu’est-ce que le biais d’ancrage ?
Le biais d'ancrage, un concept central en psychologie cognitive, désigne la tendance à s'appuyer excessivement sur la première information reçue pour prendre des décisions. Cette forme de biais cognitif influence profondément le jugement et la prise de décision, même lorsque les informations supplémentaires disponibles devraient amener à réévaluer cette première impression.
L'ancrage en psychologie décrit comment, une fois qu'un point de référence de départ est établie dans l'esprit d'une personne, ses décisions futures sont ajustées par rapport à cette valeur, souvent de manière insuffisante.
À titre d’exemple, lors de l'achat d'une voiture, le premier prix mentionné par le vendeur sert d'ancre. Même si le prix final négocié est inférieur, il peut toujours sembler raisonnable simplement parce qu'il est comparé à l'ancre initiale.
De même, lorsque les individus doivent évaluer une valeur ou une quantité, ils ont tendance à partir d’un chiffre suggéré et à faire, ensuite, des ajustements qui sont souvent trop minimes. Ainsi, même une proposition manifestement irréaliste peut influencer de manière significative les estimations et les décisions.
Ce biais affecte généralement le jugement en limitant la capacité à évaluer pleinement et objectivement toutes les informations nouvelles et pertinentes. Les décisions sont donc souvent basées sur une information partielle et potentiellement trompeuse. Dans les négociations, par exemple, la partie qui établit le premier chiffre influence fortement la direction et le résultat de la négociation, indépendamment de la pertinence ou de la réalité des chiffres suivants introduits dans la discussion.
Le biais d'ancrage joue donc un rôle crucial dans la manière dont les informations sont perçues et traitées, ayant un impact significatif sur la prise de décision dans divers contextes, des choix quotidiens aux décisions financières importantes. Reconnaître l'existence et les effets de ce biais cognitif permet d'adopter des stratégies pour minimiser son influence, favorisant ainsi des jugements plus équilibrés et des décisions mieux réfléchies.
Le saviez-vous ?
Le biais d'ancrage et le biais de confirmation se renforcent mutuellement.
Le biais d'ancrage crée un cadre initial et le biais de confirmation agit pour renforcer et maintenir ce cadre. Ces deux biais fonctionnent ensemble pour créer un cycle qui vient renforcer la croyance initiale qui se consolide au fil du temps.
Par exemple, un patient souffrant de trouble anxieux généralisé peut ancrer ses pensées sur une peur irrationnelle (ex : la peur de tomber gravement malade). Le biais de confirmation l'amène à interpréter chaque petit symptôme comme une preuve de cette maladie, augmentant ainsi son anxiété.
Comment le biais d’ancrage influence-t-il la prise de décision ?
Le biais d'ancrage s'infiltre subtilement dans de nombreuses sphères de la vie, influençant la prise de décision. Ce phénomène psychologique en ancrant, dans votre esprit, une information initiale, façonne votre jugement et vos choix.
Les implications de ce biais cognitif se manifestent dans des domaines aussi divers que la finance, les négociations commerciales, le recrutement, le droit, et même dans les aspects les plus banals de votre quotidien et vos interactions sociales.
En comprenant comment le biais d’initialisation influence les différentes facettes de la prise de décision, il est possible d'adopter des stratégies pour atténuer ses effets. Voici les impacts du biais d'ancrage sur la prise de décision :
- Impact n°1 : Les croyances et la désinformation.
- Impact n°2 : Les effets sur la perception de soi et de l’estime de soi.
- Impact n°3 : La prise de décision sous pression.
- Impact n°4 : Les jugements et les prédictions.
- Impact n°5 : Les choix quotidiens et les interactions sociales.
Impact n°1 : Les croyances et la désinformation
Le premier impact du biais d’ancrage concerne la façon dont les croyances se forment et se cristallisent, ouvrant la voie, dans certains cas, à la désinformation. Lorsque vous êtes confrontés à une nouvelle information, votre cerveau a tendance à s'accrocher à la première pièce d'information rencontrée, ce que l’on nomme l'ancrage, et à utiliser cette information comme référence pour évaluer tout ce qui suit. Cette tendance peut avoir des répercussions significatives sur vos croyances et votre ouverture à la désinformation.
Prenons, par exemple, la manière dont les nouvelles se propagent sur les réseaux sociaux. Une affirmation non vérifiée, si elle est entendue en premier, peut devenir un point d'ancrage. Même si des corrections ou des démentis suivent, l'impact initial de l'information erronée reste profondément enraciné, rendant les individus moins susceptibles de changer d'avis même face à des faits contradictoires.
Cette dynamique souligne l'importance cruciale de la première information à laquelle vous êtes exposés et son influence sur votre perception du monde. Elle explique également pourquoi la désinformation, une fois enracinée, peut être extrêmement difficile à corriger.
Comprendre le biais d'ancrage vous équipe mieux pour naviguer dans un environnement informationnel complexe et pour remettre en question vos premières impressions, vous permettant ainsi de développer une pensée plus critique et ouverte.
Impact n°2 : Effets sur la perception de soi et l'estime de soi
L'impact du biais d'ancrage sur la perception de soi et l'estime de soi est profond et souvent sous-estimé. Imaginez que, lors d'une première tentative, vous échouez à un test ou à un défi quelconque. Cette expérience initiale négative peut devenir un ancrage puissant, influençant la manière dont vous vous percevez dans des situations similaires à l'avenir. Vous pouvez commencer à douter de vos capacités, non pas en raison de vos compétences réelles, mais parce que cet échec initial a créé un point de référence négatif qui alimente votre auto-évaluation.
Cet effet se manifeste également dans la manière dont vous recevez et interprétez les retours sur vos performances. Si votre ancrage est une critique négative reçue lors de votre première tentative, les éloges futurs peuvent être perçus avec scepticisme ou même être rejetés, car ils ne correspondent pas à votre réalité ancrée. Cette distorsion peut conduire à une spirale de sous-estimation de soi, où les succès ne sont pas pleinement reconnus ou valorisés, dégradant ainsi l'estime de soi.
Dans la vie quotidienne, cela peut vous rendre réticent à saisir de nouvelles opportunités ou à relever de nouveaux défis, par crainte de répéter l'échec initial. La prise de conscience de ce biais d'ancrage est essentielle pour briser ce cycle. Elle permet de comprendre que les échecs passés ne définissent pas les capacités futures et encourage à réévaluer les perceptions de soi.
Impact n°3 : La prise de décision sous pression
La prise de décision sous pression est grandement influencée par le biais d'ancrage. Lorsque vous êtes confronté à une décision urgente, le cerveau a tendance à se raccrocher à des informations ou à des expériences antérieures, les utilisant comme points de repère pour orienter vos choix. Cet ancrage peut être bénéfique en fournissant un cadre de référence rapide, mais il peut également conduire à des décisions hâtives et moins optimales si l'ancrage n'est pas entièrement pertinent pour la situation actuelle.
Prenons l'exemple d'une urgence médicale où les premiers secours sont nécessaires. Si votre seule formation en premiers secours remonte à plusieurs années, vous pourriez vous retrouver à appliquer des techniques dépassées ou inappropriées, simplement parce qu'elles constituent votre point d'ancrage dans cette situation de stress. De même, dans un environnement professionnel, face à un délai serré, vous pourriez opter pour une solution connue et confortable plutôt que d'explorer une approche plus innovante mais moins familière, limitant ainsi le potentiel de résultats optimaux.
Reconnaître l'impact du biais d'ancrage sur la prise de décision sous pression est crucial. Cela permet de développer des stratégies pour évaluer plus objectivement les situations, en pesant les options actuelles plutôt que de se fier aveuglément à des expériences antérieures. Cette prise de conscience peut améliorer la capacité à gérer le stress et à faire des choix plus éclairés, même dans les moments les plus critiques.
Impact n°4 : Les jugements et prédictions
Le biais d'ancrage a un impact profond sur la manière dont les individus évaluent les probabilités et font des prédictions concernant des événements futurs, révélant ainsi des aspects fascinants de la psychologie humaine. Cette tendance psychologique à s'appuyer fortement sur la première information reçue, même lorsqu'elle est arbitraire, façonne de manière significative les jugements et les prédictions.
Prenons l’exemple d’une question posée à une personne concernant le nombre de pays présents en Afrique. Lorsqu'on présente aux individus un nombre initialement bas comme point de référence, leurs estimations tendent à être nettement inférieures comparées à celles faites après la présentation d'un nombre plus élevé comme ancre. Cette expérience souligne comment une donnée initiale, choisie au hasard, peut déterminer les croyances et les attentes futures, même en l'absence de logique ou de justification rationnelle.
Ce biais d'ancrage dans les jugements et les prédictions révèle une dimension cruciale de la cognition humaine : la difficulté à ajuster ses pensées et ses croyances en réponse à de nouvelles informations. Cela suggère que l’esprit de la personne privilégie les données initiales, leur accordant un poids disproportionné dans le processus de réflexion.
Cette prédisposition peut conduire à des évaluations erronées et à des prédictions inexactes, influençant non seulement les décisions personnelles, mais aussi celles dans des domaines professionnels et académiques.
Reconnaître l'influence du biais d'ancrage sur vos jugements et prédictions est essentiel pour développer une pensée critique et pour améliorer votre capacité à évaluer les informations de manière plus objective.
En prenant conscience de ce biais, vous pouvez vous efforcer de questionner activement vos premières impressions et de rechercher des données supplémentaires avant de former des conclusions, vous permettant ainsi de prendre des décisions plus éclairées et fondées sur une analyse plus complète et nuancée de la situation.
Impact n°5 : Les choix quotidiens et les interactions sociales
Le biais d'ancrage, ou biais d’initialisation, joue un rôle significatif dans la structuration de vos choix quotidiens et de vos interactions sociales. Cette tendance psychologique à s'appuyer fortement sur la première information reçue influence vos décisions, allant de l'achat de produits aux opinions politiques. À titre d’exemple, le prix initial vu sur une étiquette peut influencer votre perception de la valeur d'un produit, vous amenant à considérer une offre spéciale comme une bonne affaire, même si le prix final n'est pas exceptionnellement bas.
De même, une première impression sur une personne ou une idée peut fortement orienter vos opinions et vos attitudes ultérieures, rendant difficile la réévaluation de ces perceptions même en présence de nouvelles informations contradictoires.
L'influence de ce biais sur les perceptions et les interactions sociales est profonde. Les premières informations reçues sur un individu ou un groupe peuvent former une ancre qui influence la manière dont leurs actions futures sont interprétées, parfois conduisant à des jugements et à des stéréotypes persistants. Cette dynamique peut affecter négativement la communication et les relations, en limitant la capacité à voir au-delà des premières impressions.
Pour être conscient de ce biais d’ancrage et le contrer dans la vie personnelle, il est essentiel d’avoir une bonne ouverture d’esprit et de se poser des questions. Cela implique de remettre activement en question les premières impressions et de chercher des informations supplémentaires avant de former ou de modifier des opinions.
Prendre le temps de réfléchir avant de prendre une décision peut aider à minimiser l'influence de l'ancrage. De plus, la pratique de l'empathie et la considération des perspectives multiples peuvent enrichir la compréhension des situations et des personnes, favorisant ainsi des choix et des interactions plus équilibrés et informés.
En adoptant ces approches, il est possible de réduire l'impact du biais d’initialisation dans vos vies, ouvrant la voie à des décisions plus réfléchies et à des relations sociales plus nuancées.
A retenir
Le biais d'ancrage a un impact considérable sur le quotidien et influence les décisions, les comportements, les choix de vie et les interactions sociales. Cette tendance psychologique à s'appuyer sur les premières informations reçues peut conduire à des évaluations inexactes et à des choix qui ne servent pas toujours ses intérêts.
Pour réduire le biais d'ancrage, il est crucial de prendre conscience de son impact et de son influence sur le quotidien et d'adopter des stratégies de réflexion critique, permettant ainsi des décisions objectives. En s'attaquant à ce biais, il est possible d’améliorer sa capacité à évoluer dans un monde complexe, renforçant son bien-être et son efficacité personnelle.
Sources
Damien Delonca, psychologue clinicien à La Clinique E-Santé
Sophie Coisne, “Comment prendre les bonnes décisions”, Cerveau & Psycho, 2018